C'est l'endroit où j'ai dû travailler le plus avec mon grand-père. Il fallait sortir du village par la côte des Gonots, en passant à côté du cimetière, puis au premier carrefour à gauche et à 200 mètres on est arrivé. C'était pas très loin.
Mon grand-père avait refait l'enclos avec des traverses de chemin de fer plantées dans le sol verticalement puis y avait clouté un grillage de parc à moutons, avec les mailles bien carrées. Ce jardin a donc servi à ça et aussi de jardin par la suite. Pour la disposition, le long du chemin il doit faire environ 30 à 40m de large puis la longueur est perpendiculaire au chemin avec le côté gauche un peu tordu car longé par le ruisseau. De ce côté-là il y avait des arbres, et sur le côté droit il y avait d'autres jardins. Les seules choses qui n'ont jamais bougé dans ce jardin sont le ruisseau, un ou deux arbres fruitiers et le noyer !
Quand j'étais petit, je me souviens qu'on avait fait le baptême de ma soeur je crois, avec un grand méchoui, j'avais 4 ans. Mon grand-père avait mis une vieille estafette de Renault, qu'on appelait aussi "un vieux tube", pour servir d'abri aux moutons, avec un bloc de sel pendu après. On aimait bien jouer dedans. Mon grand-père s'était fait voler des moutons plusieurs fois et avait décidé d'arrêter, du coup c'était devenu un jardin à part entière.
Comme c'était le plus grand des jardins, c'est là qu'il faisait pousser les patates, qui prenaient de la place. Ce sont celles-là qu'on stockait dans la petite cave des Quartillons. Idem pour les haricots et les petits pois, il y en avait pas mal. Et ceux-là, une fois cueillis, passaient sur la table de la cuisine, le soir après manger, et on équeutait les haricots ou on écossait les petits pois devant le film du soir. Il y a eu beaucoup de légumes dans ce jardin et de fraises aussi surtout, tout ça pour finir dans un bocal. Bocaux stockés dans la petite cave "d'en face", sous le studio, dans un vieux frigo qui n'était pas branché (tout ça à la maison).
Sur le côté droit au fond, Pépé avait mis des asperges. Il m'avait dit qu'une fois qu'on les plantait, c'était tellement acide le sol qu'on ne pouvait plus rien mettre derrière. Donc le coin des asperges est resté là bien longtemps. Il y avait deux rangées.
Avec le noyer, ma grand-mère ramassait les noix, et nous aussi. Mes grands-parents connaissaient quelqu'un pour en faire de l'huile et quelques fois c'était moi qui les apportait. Ma grand-mère en avait passé des soirées à enlever les coquilles, toujours sur la même table de la cuisine, le soir. Dans le sud il y a l'huile d'olive, et chez ma grand-mère, pour la salade, c'était de l'huile de noix.
Aux Prés des Saules, mon grand père me faisait passer le motoculteur. Les images que j'ai retrouvées au-dessus du texte, en entête, sont exactement celles du motoculteur que mon grand-père utilisait. On pouvait rouler avec la remorque pour transporter des choses et on pouvait y atteler des accessoires aussi. J'ai donc surtout labouré, et sarclé avec. Mais on s'en servait aussi pour arracher des souches d'arbres, rapporter les tonnes de seaux des vergers remplis de fruits, transporter les deux barils d'eau de 200 litres du garage pour arroser les jardins, ou encore la luzerne qu'on faisait pousser aux Varennes et que mon grand-père coupait à la faux. Plus tard il avait acheté une sorte de "motoculteur tondeuse" pour ça, c'était plus pratique. On a aussi transporté pas mal de bois là-dedans. Il a vraiment servi à tout.
C'est aussi la remorque de ce motoculteur là qui a coupé le petit doigt de ma grand-mère. Je crois que c'était un jour de vendange, ma grand-mère devait être assise dans la remorque et se tenait avec sa main sur le bord, et la remorque a basculé et elle s'est coincée contre la voiture. Je ne suis plus trop sûr de l'histoire, j'étais trop petit, mais il a fallu retrouver le bout du petit doigt et aller d'urgence à l'hôpital.
Pour en revenir aux Prés des Saules, j'ai labouré avec cet engin, et c'était pas facile, il fallait le maintenir droit, et maintenir la bonne hauteur sinon ça s'enfonçait trop et j'avançais plus. On allait au bout du sillon, on tournait, puis on tournait la charrue aussi et on repartait. Je n'ai pas fait beaucoup de sport dans ma vie, mais avec le travail au jardin et surtout le motoculteur, pas besoin. J'ai connu le travail des champs, à peu près, parce que mon grand-père avait des jardins et pas une vraie ferme, mais je sais ce que c'était la fatigue du travail physique de la journée, et quand on rentrait le soir et qu'on avait bien mérité "notre soupe". On partait le matin aux Prés des Saules des fois, on y passait toute la matinée, on avait pas de montre, et on surveillait l'heure en écoutant le clocher du village. Je faisais ce qu'il me demandait du mieux que je pouvais, je voulais qu'il soit fier de moi, c'était ma paie, j'étais content d'être avec lui. On montait manger entre midi et 13h, puis des fois petite sieste de trente minutes dans le canapé, puis on repartait. Pour revenir à la maison, on remettait la remorque du motoculteur, pépé conduisait et je m'asseyais dans la remorque. Et plus tard Pépé avait la 4L et c'est moi qui conduisait le motoculteur. Il avait acheté une vieille 4L avec trois vitesses seulement. En fin de vie (de la voiture), quand on était assis côté passager, on voyait même la route défiler sous le plancher à travers une bonne fente.
Un jour mon grand-père avait voulu couper une branche dans un arbre fruitier, il avait donc appuyé une échelle après et était monté avec sa tronçonneuse déjà démarrée à la main. Il y avait aussi ma mère et ma soeur. Il avait commencé à couper la branche et s'était mis à partir en arrière et avant qu'on ait eu le temps de faire quoique ce soit, il était déjà par terre sur le dos. Et par chance la tronçonneuse n'était pas tombée sur lui. Ce jour là aurait pu être terrible.